une dlicate subtilit confirme par le Conseil d'Etat
Dans un arrêt du 4 décembre 2017, le Conseil d’Etat a rendu sa décision tant attendue sur la validité des clauses Molière dans les marchés publics. Ou plutôt des clauses d’interprétariat ...
En l’espèce, la région des Pays de la Loire avait lancé une procédure de passation d’un marché public de travaux pour l’un de ses lycées. Contestant la validité de deux clauses de ce marché, le préfet avait saisi le juge du référé précontractuel en vue de l’annulation de la procédure en cours. Le tribunal administratif (TA) de Nantes ayant rejeté sa demande, le ministre de l’Intérieur, prenant le relais de la préfecture, avait saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.
Lors de l’audience du 22 novembre, le rapporteur public, Gilles Pellissier, avait présenté des conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance du juge des référés du TA ainsi qu’à l’annulation de la procédure (voir ci-dessous notre article du 22 novembre). Selon lui, la présence dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) des deux clauses d’interprétariat n’était pas en lien avec l’objet du marché et était discriminatoire en ce qu’elles faisaient peser des coûts supplémentaires sur les candidats employant des salariés non francophones.
Le Conseil d’Etat n’a toutefois pas suivi les conclusions du rapporteur public et a rejeté le pourvoi du ministre de l’Intérieur.
Une frontière très très mince
La haute juridiction administrative a commencé par rappeler tous les textes que le ministre de l’Intérieur avançait : l’article L. 1262-4 du code du travail, mettant en œuvre l’article 3 de la directive 96/71/CE ; l’article L. 4531-1 du même code, assurant quant à lui la transposition de l’article 4 de la directive 92/57/CE et enfin l’article 38 de l’ordonnance Marchés publics. Les juges de cassation rappellent ensuite "qu’une mesure nationale qui restreint l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne peut être admise qu’à la condition qu’elle poursuive un objectif d’intérêt général, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de celui-ci et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs". Le Conseil d’Etat a donc vérifié si les deux clauses en litige remplissaient bien ces trois conditions.
Pour rappel, les deux clauses visaient à imposer aux entreprises candidates la présence d’un interprète sur le chantier afin d’informer les salariés non francophones sur leur droits sociaux et de permettre la protection de leur sécurité et de leur santé. Sans détailler leur raisonnement juridique, les sages du Palais Royal ont simplement estimé que les clauses en question présentaient un lien suffisant avec l’objet du marché. Ils ont également jugé, sans davantage de précision juridique, "qu’à supposer même que la clause litigieuse puisse être susceptible de restreindre l’exercice effectif d’une liberté fondamentale garantie par le droit de l’Union européenne [la libre concurrence], elle poursuit un objectif d’intérêt général dont elle garantit la réalisation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre". Alors que le rapporteur public considérait que les dispositions existantes suffisaient à assurer la sécurité et l’information des travailleurs non-francophones, et que les clauses en litiges étaient donc disproportionnées et discriminatoires, le Conseil d’Etat a adopté la position contraire.
Dans son communiqué de presse, la haute juridiction administrative a précisé que les clauses d’interprétariat en question ne devait pas être confondues avec les clauses Molière : les premières visent à encadrer la compréhension des consignes et des droits des travailleurs étrangers grâce à un interprète, les secondes s’attachent à "imposer l’usage exclusif du français sur les chantiers". La frontière entre ces deux définitions reste mince, une clause Molière pouvant facilement être confondue avec une clause d’interprétariat.
Référence : CE, 4 décembre 2017, n° 413366
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