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Comment loger les pauvres hors des quartiers pauvres sans casser le modle HLM ?


"Un projet de loi Egalité et Citoyenneté est en cours d'élaboration sous l'égide du ministère du Logement. Il vise notamment à traduire dans les textes, le principe proposé par le comité interministériel pour l'égalité des chances", à savoir : "la limitation de l'accueil des ménages les plus pauvres dans les quartiers de la politique de la ville" avec pour corollaire de "baisser certains loyers, lors des rotations, pour faciliter leur accès au patrimoine situé hors de ces quartiers". Ce dispositif phare du futur projet de loi Egalité et Citoyenneté est ainsi résumé dans une circulaire adressée le 5 octobre dernier par Frédéric Paul à tous les organismes HLM.
Le délégué général de l'Union sociale pour l'habitat (USH) commence par y affirmer que "les organismes et le Mouvement HLM dans son ensemble sont évidemment volontaires aux cotés de l'Etat et des collectivités territoriales pour trouver et mettre en oeuvre les bonnes réponses". Et de terminer la lettre par : "Nous tenons à vous assurer que nous mettons tout en oeuvre dans notre concertation avec les services de l'Etat pour définir des propositions juridiques et économiques permettant de dégager des marges de manoeuvre complémentaires pour la définition, la mise en oeuvre et la sécurisation de votre activité".

Mettre la CIL avant la CUS

Car le projet de loi serait présenté en Conseil des ministres "courant 2016", mais l'USH fait bien évidemment partie de la concertation engagée cet été et nombre d'éléments sont déjà plus ou moins connus (voir notre article ci-contre "Ce que l'on sait du volet logement du futur projet de loi Egalité et Citoyenneté" du 2 octobre 2015).
Parmi les revendications listées dans la circulaire, Frédéric Paul commence par indiquer que l'USH demandera que la date limite de signature de la nouvelle convention d'utilité sociale (CUS) soit reportée au-delà du 1er juillet 2017, "afin de permettre la phase de concertation indispensable avec les collectivités locales, les services locaux de l'Etat et les représentants des locataires". Il précise que "cet impératif semble trouver un écho très favorable auprès des élus qui doivent mettre en place un grand nombre de nouveaux dispositifs réglementaires dont la conférence intercommunale du logement (CIL). C'est en effet à partir de cette instance et de ses travaux que seront définis les objectifs d'accueil et les capacités de réponses locales".

De la théorie à la pratique

L'avant-projet de loi prévoit surtout de supprimer le dispositif de remise en ordre des loyers maximums (Rolm) en fonction de la qualité du service rendu (voir notre encadré ci-dessous). Et de demander, à la place, aux organismes de "se mettre en capacité d'attribuer un pourcentage de logements hors QPV à des demandeurs parmi les plus pauvres" (20% est évoqué). Ce qui passerait par des baisses de loyers pour ce public, lesquelles "seraient potentiellement compensées" par des hausses de loyers, ailleurs, et lors de relocations. Ce à quoi l'USH répond : "si la perspective d'effectuer des hausses et des baisses de loyers apparaît théoriquement envisageable, il convient de souligner (plusieurs) éléments... " Et de lister lesdits éléments, laissant entendre qu'ils font toujours l'objet de négociation avec le ministère du Logement.
Et tout d'abord, "sur un grand nombre de territoires, pour un grand nombre d'organismes, compte tenu de la demande et du marché, les possibilités de hausses sont faibles voire inexistantes". On ne peut plus clair.

Pas de fixation des loyers en fonction du revenu

Ensuite, l'USH fait remarquer que "la définition des modalités d'application d'une telle politique et les conditions de sa mise en oeuvre doivent relever des acteurs locaux" et suggère alors que "le législateur n'arrête pas un cadre trop rigide". Et que, quoi qu'il en soit, "la réforme ne saurait évoluer vers une fixation des loyers en fonction du revenu".
L'USH souligne également le fait que "l'existence de contingents peut rendre difficile la recherche des marges de manoeuvre nécessaires". Et que "la répartition des patrimoines des organismes sur des territoires différenciés, avec des réalités diverses, peut restreindre leur capacité à répondre aux attentes de la future loi".
La grande question est naturellement de garantir "les équilibres économiques généraux de l'exploitation des organismes".

S'appuyer sur la surface utile pour définir des loyers cibles

Pour cela, l'USH imagine un système compliqué où on s'appuierait sur la surface utile pour définir des "loyers cibles" logement par logement, sur l'ensemble du patrimoine d'un bailleur, pour faire apparaître la "vérité des loyers" et permettre de "construire des politiques de loyers compatibles avec les objectifs d'accueil des ménages les plus pauvres" (voir aussi notre encadré). "La future loi devra le permettre", indique l'USH.
Aux organismes HLM qui ont entrepris un "travail très important" afin de préparer la remise en ordre des loyers maximums (Rolm), l'USH rassure : "ces travaux gardent toute leur utilité". D'une part parce que "la caractérisation du patrimoine dans le cadre du Plan stratégique de patrimoine restera nécessaire" et aussi parce que "les efforts que vous avez entrepris pour disposer d'analyses fines de vos loyers et de votre patrimoine sont des éléments indispensables pour la mise en place des politiques en faveur de l'accueil des plus pauvres et de la mixité sur les territoires".
En tout état de cause, l'USH s'engage à demander "que soient confirmés les dispositifs de Rolm déjà adoptés par certains d'entre vous dans la première convention d'utilité sociale (CUS)".

Valérie Liquet

La remise en ordre des loyers maximaux

La remise en ordre des loyers est une obligation réglementaire à laquelle doivent se conformer les organismes, à l'occasion de la seconde génération des conventions d'utilité sociale (CUS) de 2017-2022. La démarche doit être initiée afin de disposer de suffisamment de temps avant le dépôt des CUS auprès des services de l'Etat au 30 juin 2016.
Pour mémoire, la loi Molle du 25 mars 2009 rend obligatoire la conclusion d'une CUS, entre chaque organisme HLM et son préfet. Dans ce document, le bailleur doit "classer les immeubles ou ensembles immobiliers en fonction du service rendu aux locataires". Pour la première génération de CUS (2010-2015), il n'était pas obligatoire de remettre en ordre les loyers en fonction de ce classement. Mais en 2016, cette remise en ordre sera impérative.
Concrètement, pour chaque immeuble ou ensemble immobilier, la CUS fixe le montant maximal total de loyer que le bailleur peut toucher. Son plafond dépend de la qualité de l'immeuble et du service rendu au locataire, mais il ne peut pas dépasser un certain seuil. L'organisme signataire de la CUS peut calculer en surface utile ou en surface corrigée le montant maximal des loyers de son patrimoine (*). Mais le conventionnement global de patrimoine offre l'occasion, pour les maîtres d'ouvrage qui le souhaitent, d'unifier les modalités de détermination des loyers en généralisant le système de la surface utile à tout ou partie du parc, quelle que soit la date de construction ou d'acquisition des immeubles.
A noter que le Code de la construction autorise l'augmentation de la masse des loyers maximums de l'organisme en cas de travaux, en vue d'assurer l'équilibre de l'opération, lorsque ces travaux sont des travaux d'amélioration, qu'ils modifient le classement de l'immeuble, et dans des conditions précisées dans le cahier des charges de la CUS.

AEF

(*) La surface corrigée s'applique aux logements HLM non conventionnés ou conventionnés avant le 1er juillet 1996. Et la surface utile s'applique, elle, aux conventions HLM conclues après cette date. Elle correspond à la surface habitable du logement augmentée, dans la limite de 8 m², de la moitié de la superficie des annexes. Lesquelles n'entrent pas dans le calcul de la surface utile et peuvent donner lieu à la perception d'un loyer accessoire.

 

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Patria Henriques

Update: 2024-08-29