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La nouvelle gouvernance territoriale, définie dans le cadre de la refondation de l'école, inclut pour une bonne part le déploiement du numérique éducatif. Au Salon Educatec-Educatice, une conférence organisée le 26 novembre donnait un premier éclairage sur les démarches de co-construction sur le numérique engagées au niveau local entre les services de l'éducation, les collectivités territoriales et les établissements d'enseignement.
Depuis 2013, les régions et les départements assurent la maintenance des infrastructures et des équipements informatiques, dans leurs établissements d'enseignement respectifs. Cette disposition introduite dans la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, dite loi "Peillon",  avait fait couler beaucoup d'encre à l'époque puisqu'elle transfère des charges importantes et sans contrepartie (voir nos articles ci-contre).

Zéro contrat tripartite signé

A l'épreuve du terrain, cette disposition reste certes coûteuse mais renforce sensiblement la présence des collectivités locales dans la gestion des affaires éducatives. Auparavant, chacun campait sur ses positions : les collectivités finançaient les équipements et l'Education les gérait. Le texte a transformé un cadre dans lequel tout le monde se tournait plus ou moins le dos, en élément de partenariat quasi incontournable. C'est le constat qui ressort d'une première année de mise en œuvre sur le terrain.
Claudio Cimelli responsable de la Mission d'incubation des projets numériques à la direction du numérique pour l'éducation (ministère de l'Education) le reconnaît "cette relation dépasse la dimension de la maintenance et tend à faire des collectivités un partenaire privilégié". Le numérique est devenu plus complexe avec le très haut débit, la multiplication des plateformes de service, la sécurité des échanges, les terminaux nomades et cette professionnalisation progressive rend aussi le rapprochement avec les collectivités plus évident, complète Claudio Cimelli.
Toutes les actions de partenariat engagées ont vocation à s'insérer dans les contrats tripartites que tentent d'établir ensemble, les académies, les collectivités locales et les établissements d'enseignement (EPLE), mais le résultat se fait encore attendre puisqu'aucun contrat ne serait signé à ce jour.

Une coopération renforcée et des incertitudes

Ces retards ne semblent pas réellement affecter la coopération sur le terrain. En Lorraine, c'est le projet d'ENT qui a fédéré les acteurs, à travers les réunions fréquemment organisées par le rectorat avec les cinq collectivités concernées. "Le partenariat s'est amplifié depuis l'adoption de la loi de juillet 2013, mais il se heurte aussi à un manque de visibilité croissant", constate Pascal Faure, délégué au numérique de l'académie Nancy-Metz.
Selon lui, dans la phase de transition que connaît la France, le périmètre des chantiers s'élargit mais aussi les interrogations : "les attentes sur le très haut débit dont le déploiement sera progressif, la question des manuels numériques et de leur modèle économique incertain, les outils nomades et leur conséquence sur l'architecture des réseaux, le manque de visibilité budgétaire des collectivités, sans oublier le regroupement territorial qui pourrait conduire à la fusion des 13 services éducatifs des collectivités de la Lorraine, de l'Alsace et de Champagne Ardennes", égraine-t-il.
La complexité de la tâche serait, selon Pascal Faure, une incitation à renforcer les actions communes. Un discours qui porte plutôt à l'optimisme, même s'"il n'est pas facile de penser demain, avec le quotidien d'aujourd'hui et les habitudes d'hier", a-t-il déclaré en guise de conclusion.

De fortes attentes sur la maintenance de proximité

Les établissements d'enseignement sont en principe au cœur des dispositifs numériques actuels et envisagés. Mais on peut s'interroger, avec Philippe Tournier, de la bonne prise en compte des besoins des usagers. Le secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale (SNDPEN) regrette ainsi que cette attention ne soit pas toujours prioritaire. Il évoque notamment "le malentendu persistant sur les questions de maintenance". 
Philippe Tournier ne met pas en cause le service, généralement industriel, couvrant le matériel, mais ce qu'il appelle "la maintenance immédiate", celle des petits dépannages du quotidien qui pourraient effacer une bonne part des difficultés techniques rencontrées par les enseignants. "Les risques panne ne rassurent pas les enseignants dont la grande majorité ne maîtrise pas l'informatique", explique-t-il. Il voit dans l'absence de personnes ressources en présentiel "un des principaux freins au développement du numérique dans les établissements". Aussi, le transfert de la maintenance aux collectivités territoriales ne le rassure pas entièrement.

Construire une vision partagée à l'échelle du territoire

Les partenariats bien compris reposent sur la recherche d'une vision partagée aux différentes échelles, répond de manière indirecte Jean-Pierre Troeira, ancien DSI du conseil général de Seine-Saint-Denis, passé au conseil général d'Ille-et-Vilaine, pour qui "les politiques de maintenance gagnent à s'insérer dans une stratégie territoriale". Cela permet de "prendre une certaine hauteur" et c'est, selon lui, un préalable à la réalisation d'économies d'échelles.
C'est en tous les cas ce qui a conduit les collectivités d'Ille-et-Vilaine à mettre en avant la question du très haut débit. "A partir du moment où on libère les accès et où la question du débit n'est plus un problème, tout devient possible : choisir des contenus innovants comme penser la maintenance à distance", constate Jean-Pierre Troeira.

Indispensable coopération

Les études effectuées en Seine-Saint-Denis ont notamment confirmé que, dans un environnement classique, la maintenance coûtait deux fois plus cher qu'une maintenance s'appuyant sur des dispositifs innovants permis par le très haut débit. De quoi dégager, au passage, des marges de manœuvre permettant de réinvestir dans des solutions de maintenance en présentiel, souffle Jean-Pierre Troeira.
Le numérique, plus que tout autre domaine, est sensible aux échelles territoriales. Le très haut débit facilite déjà les regroupements et permet la concentration de moyens sur des centrales de données de plus en plus éloignées des établissements et donc des élèves et des enseignants. A l'inverse cet éloignement induit une attention plus ciblée sur les besoins des usagers et imposera sans doute la mise en place de dispositifs d'accompagnement pour faciliter la prise en main, l'appropriation des outils.
Cette construction ne pourra fonctionner sans coopération, espaces d'échanges et coordination entre les rectorats, les collectivités territoriales et les établissements. C'est semble-t-il une tendance qui fait à peu près consensus à défaut d'accord formalisé entre les parties. Du moins pour le moment.

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Tandra Barner

Update: 2024-08-20