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en finir avec les zones grises


Les collectivités seraient "la grande oubliée de l'exigence de transparence", si l'on en croit Laurianne Rossi, députée (LREM, Hauts-de-Seine), questeur de l'Assemblée nationale et vice-présidente de l'Observatoire de l'éthique publique (OEP). Créé il y a deux ans pour réunir des parlementaires et des universitaires autour de la transparence et la déontologie de l'action publique, le laboratoire d'idées présentait le 26 février 2020 son "Livre blanc pour une démocratie locale rénovée".

Malgré "des progrès tout à fait considérables" réalisés depuis 25 ans, "il y a encore des zones grises où les choses ne sont pas définies", a souligné René Dosière, ancien député de l'Aisne et président de l'OEP. L'éthique dans les collectivités reste pour lui "l'un des points morts de la vie publique", du fait du nombre d'entités concernées et de la difficulté d'assurer des contrôles. Si 70 élus locaux seraient poursuivis et condamnés chaque année pour manquement au devoir de probité, selon l'Observatoire Smacl, soit un nombre qui peut apparaître faible au regard des quelque 500.000 élus locaux, les dérives et abus, parfois même dans un cadre légal, constituent des "symboles terribles" et alimentent le "tous pourris", de l'avis de Jacques Trentesaux, cofondateur du média d'investigation Médiacités.

Un déontologue auprès des élus locaux : une idée finalement non retenue dans la loi Engagement et proximité

C'est à partir d'un manifeste rédigé par les journalistes de Médiacités que le livre blanc a été conçu. On y trouve un appel à "renforcer les règles déontologiques des élus locaux", avec en particulier la proposition de rendre publiques les déclarations de situation patrimoniale des élus locaux – qui ne peuvent aujourd'hui pas être consultées en préfecture – et d'abaisser le seuil d'obligation pour les déclarations (de patrimoine et d'intérêts) aux maires des communes de plus de 3.500 habitants – contre 20.000 aujourd'hui.

Autre recommandation : la création d'un poste de déontologue indépendant auprès des élus locaux. Déjà portée par Laurianne Rossi au cours de l'examen du projet de loi Engagement et proximité, l'idée avait fait son chemin avant d'être écartée en commission mixte paritaire. L'OEP, qui est toutefois à l'origine des articles 92 et 93 de la loi finalement votée sur l'obligation de produire un état des lieux annuel des indemnités touchées par les élus (voir notre article du 22 janvier 2020), espère se rattraper sur la figure du déontologue à l'occasion du projet de loi "3D".

2.000 élus locaux particulièrement exposés aux risques  

L'OEP et Médiacités proposent aussi de rendre obligatoires la formation des élus aux risques de corruption et à la prévention des conflits d'intérêts et, dans les communes et intercommunalités de plus de 100.000 habitants, la mise en œuvre d'un plan de prévention de la corruption. Le livre blanc cible prioritairement les quelque 2.000 élus locaux à la tête des plus grosses collectivités. "Ce sont ceux qui gèrent les collectivités où il y a le plus de dépenses et où les risques de dérives sont les plus importants", a jugé René Dosière. Mais beaucoup d'élus de collectivités de toute taille feraient par ailleurs régulièrement part de leur "besoin d'être sécurisés", a témoigné Laurianne Rossi.

Autre axe du livre blanc : "dynamiser la démocratie municipale par l'implication citoyenne". Il s'agirait notamment de donner aux citoyens la possibilité de déclencher un référendum local – s'ils recueillent le soutien de 10% du corps électoral – et d'interpeller leurs élus pour "demander des explications sur les politiques menées". Les habitants pourraient être aussi mobilisés à l'occasion d'"audits citoyens" pour évaluer les politiques publiques ou de jurys citoyens pour participer au processus d'attribution de subventions aux associations.

"Le contrôle citoyen est important, encore faut-il être un peu au courant", a résumé René Dosière. L'ancien député rappelle par exemple que "la délibération des conseils municipaux qui fixe les indemnités doit faire l'objet d'un récapitulatif clair et compréhensible par tout le monde", ce qui constituerait même "une condition de la validité de la délibération".

Pas plus de deux mandats cumulés, intercommunalité comprise  

En matière de régime indemnitaire des élus, il est proposé de "réduire le plafond du cumul d'indemnités au niveau de celui des parlementaires" et de "renforcer les moyens de contrôle des chambres régionales des comptes". Ou encore de prévoir un "écrêtement de l'indemnité de fonction" si l'élu touche le chômage ou une pension de retraite. La prise en compte du mandat intercommunal dans le régime de non-cumul rapporterait de facto le nombre maximal de mandats à deux, ce qui aurait un impact sur le niveau d'indemnités. Médiacités a notamment révélé qu'une élue d'une grande ville touchait à la fois les indemnités de ses trois mandats (ville, métropole, région) et une allocation chômage, pour un total de près de 9.000 euros - un cumul aujourd'hui légal.

"Certains élus ont une interprétation un peu extensible de la notion de frais de représentation", a par ailleurs souligné Aurore Granero de l'OEP. Un référentiel permettrait de clarifier ce qui relève ou pas de ces frais. Des propositions ont enfin trait au rôle de l'opposition, avec l'idée d'attribuer les présidences de la commission des finances et des appels d'offres à un élu d'opposition "pour instituer des garde-fous au pouvoir exécutif".

À l'occasion des élections municipales, Transparency international France appelle également à "renforcer l'intégrité de la vie publique locale", avec des propositions communes sur le plan de prévention de la corruption et l'encadrement des frais de représentation. Mais aussi d'autres recommandations en matière de transparence (rencontres avec des lobbyistes) et d'ouverture des données publiques.  

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Billy Koelling

Update: 2024-08-28