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La participation, l'une des clefs des municipales

A Villiers-le-Bel, cette abstention qui "pourrit la vie" du maire

"Quelle légitimité quand plus de 60% des habitants n'ont pas voté" ? A Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), ville la plus abstentionniste de France aux municipales de 2014, le maire sortant ne cache pas son désarroi. Et tente, comme ses rivaux, de mobiliser des habitants qui "n'y croient plus".

Pour Jean-Louis Marsac, maire divers gauche de cette commune pauvre de grande banlieue parisienne, "l'euphorie de la proclamation des résultats a été de courte durée". "Si vous ramenez ça aux inscrits, quand je croise dix personnes à Villiers, huit parmi elles n'ont pas voté. Pendant six ans, il ne s'est pas passé une journée sans que j'y pense, ça m'a pourri la vie", souffle cet ancien ouvrier de maintenance chez Alstom.
Un centre-ville aux allures de bourg rural cerné de champs et de forêts, à une poignée de kilomètres de l'aéroport de Roissy et 20 minutes de Paris en RER...: "Sur le papier, la ville a des atouts", dit le maire en poste depuis 2012, qui brigue un "dernier" mandat à 59 ans.
En réalité, Villiers-le-Bel, 27.800 habitants "officiellement", selon le maire, est l'archétype de la ville de banlieue tombée dans une spirale de paupérisation ininterrompue depuis quarante ans, avec ses cités "sensibles", son chômage record, ses marchands de sommeil, ses violences urbaines, ses immigrés en situation irrégulière.
"Les gens ici ils votent pas, ils s'en foutent. Ils pensent que ça sert à rien", résume Yacine, 21 ans, habitant du quartier Derrière les murs, un des épicentres de la flambée de violences survenue en 2007 après la mort de deux adolescents, tués dans une collision entre leur moto et une voiture de police. Le 15 mars, Yacine n'ira pas voter, comme 62% des électeurs au premier tour des dernières municipales. Un chiffre record, qui plaça alors Villiers-le-Bel devant deux autres villes déshéritées, Vaulx-en-Velin (Rhône) et Roubaix (Nord). Aux législatives de 2017, l'abstention, en hausse continue depuis le début des années 1980, avait culminé à 69% dans la circonscription de Villiers-le-Bel.
"Dans ces quartiers de grands ensembles, les facteurs prédisposant au retrait électoral (jeunesse, faible niveau de diplôme, chômage élevé) se cumulent. Ce sont aussi des quartiers marqués par les parcours migratoires, pour lesquels l'étape de l'inscription électorale" est un obstacle supplémentaire, explique Céline Braconnier, directrice de Sciences-Po Saint-Germain en Laye et co-auteure de "La démocratie de l'abstention" (Gallimard). "Là comme ailleurs, on observe un désenchantement politique important, et le sentiment que la politique ne change rien au quotidien est largement partagé", dit-elle.
A Villiers-le-Bel, les cinq candidats ont donc une obsession : mobiliser. "Il faut permettre à ces jeunes de s'intéresser à la vie de la cité et de se faire entendre", dit Sori Dembélé, candidat encarté au PS qui a créé un collectif "pour lutter contre l'abstention". "Les jeunes ne se sentent pas inclus dans les projets de la ville. Ils ont besoin qu'on leur donne de l'espoir", dit cet enseignant. Evoquant de "nouvelles inscriptions sur les listes électorales", il espère un regain de participation.
Après huit ans à la mairie, Jean-Louis Marsac est moins optimiste. Bulletin municipal hebdomadaire, réseaux sociaux, porte à porte... "On a tout essayé, mais on n'a pas résolu le problème de la communication", dit-il. Lors des "nombreuses réunions" organisées dans les quartiers, "il y avait plus d'élus que d'habitants dans la salle", déplore-t-il.
"Les fin de mois sont tellement difficiles... On a fait plein de choses, rénové les quartiers avec des aides massives de l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), obtenu la construction d'un lycée d'enseignement général. Mais la vie quotidienne des gens ne change pas. Etre maire de Villiers-le-Bel est un exercice de modestie", reconnaît l'élu.
A quoi s'attendre pour ce scrutin ? Céline Braconnier souligne l'importance des "facteurs politiques conjoncturels qui ne jouent pas tous dans le même sens", citant notamment, d'un côté, la déception consécutive à l'élection d'Emmanuel Macron, et, de l'autre, "la révolte des Gilets jaunes" "qui avait conduit à un léger sursaut de mobilisation pour les européennes".

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Kelle Repass

Update: 2024-08-30