Loi Littoral : peut encore mieux faire
Prévu par la loi du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux, le rapport sur le bilan d'application de la loi Littoral que le gouvernement vient de transmettre au Parlement témoigne de l'importance des changements qui ont affecté les littoraux ces vingt dernières années. L'attractivité résidentielle, économique et touristique de ces territoires n'a cessé de se développer. Pour preuve, près de 530.000 habitants supplémentaires se sont installés dans les communes du littoral depuis 1986. Elles comptent aujourd'hui 6 millions de résidents permanents - 3 millions sur la côte méditerranéenne, près de 2 millions sur la façade atlantique et un peu moins d'un million sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord -, soit 10% de la population métropolitaine.
Les communes "rétro littorales" (arrière-pays) sont celles qui ont le plus bénéficié de la croissance démographique ces vingt dernières années. Alors que la pression résidentielle est restée très forte et que l'on a assisté à une emprise foncière croissante de la construction, les deux dernières décennies ont vu émerger de nouveaux territoires de vie permanente. La vocation d'habitat secondaire s'est renforcée sur le littoral atlantique et sur celui de la Manche et de la mer du Nord tandis que la fonction de résidence principale a investi une grande partie de la côte méditerranéenne. Même si l'évolution est très contrastée selon les régions côtières, la population littorale n'échappe pas au mouvement général de vieillissement : en 2006, plus d'un résident sur quatre avait plus de 60 ans.
Un réel dynamisme économique
Sur le plan économique, les zones littorales affichent un réel dynamisme, après une période de restructuration en profondeur de l'appareil de production (développement de filières adossées aux nouvelles technologies ou aux activités de services). La croissance démographique a entraîné le développement d'une économie résidentielle (commerces, services aux personnes, bâtiment et travaux publics), ce qui n'a pas empêché la persistance du chômage et d'un taux important d'emplois saisonniers partiellement déclarés dans le secteur de la restauration. Sur le plan touristique, les phénomènes marquants de ces dernières années ont été la forte croissance de l'hébergement non-marchand (résidences secondaires mais aussi usage touristique d'une part significative des logements permanents), ainsi que le développement du secteur locatif privé, des gîtes ruraux et des chambres d'hôtes. Dans le même temps, on a assisté à un essoufflement des grandes opérations d'aménagements touristiques.
Les territoires littoraux bénéficient de meilleures conditions d'accessibilité grâce au développement des infrastructures de desserte. Ces nouvelles facilités ont conduit à l'élargissement des aires urbaines et l'on assiste ainsi à un grignotage progressif de l'arrière-pays littoral rural par l'espace urbain. Cette urbanisation s'est traduite par un renforcement de l'artificialisation des sols, qui est 2,7 fois supérieure à la moyenne métropolitaine et par une perte de 1.700 km2 d'espaces agricoles et naturels, qui représentent respectivement 41,7% et 36,3% du territoire des communes littorales. Très consommateur d'espace, ce développement est générateur de tensions sociales : l'accroissement du prix du foncier conduit ainsi à des dynamiques d'exclusion, note le rapport.
Face à ce tableau en demi-teinte, le document souligne néanmoins le bien-fondé de la loi Littoral qui est parvenue à "concilier les impératifs d'aménagement, de développement et de mise en valeur des espaces littoraux". Elle a "joué un rôle de régulateur et a freiné une consommation excessive d'espaces naturels, espaces qui, sans elle, auraient été vraisemblablement urbanisés". Elle bénéficie d'ailleurs d'une bonne perception dans l'opinion, fait-il valoir, en citant un sondage CSA réalisé à l'occasion du vingtième anniversaire de la loi : 94% des personnes interrogées se disaient favorables au principe d'une loi régissant spécialement le littoral tandis que 53% d'entre eux estimaient que l'état du littoral s'était amélioré en 20 ans. L'action du Conservatoire de l'espace du littoral et des rivages lacustres qui a multiplié par quatre la taille de son patrimoine depuis 1986 (102.000 hectares dont 67.000 hectares d'acquisitions), s'est révélée particulièrement efficace, souligne le rapport.
Pour l'avenir, il insiste sur la nécessité de poursuivre "avec détermination" la loi Littoral, de mieux la faire connaître en veillant notamment à son strict respect par les documents d'urbanisme, d'envisager des actions de formation afin de sensibiliser les Français aux enjeux de la protection du littoral et d'engager une réflexion pour une meilleure anticipation des sujets émergents comme les risques naturels littoraux.
Des spécificités à mieux intégrer
Le rapport estime qu'il faut aussi prendre davantage en compte la dimension "mer" du littoral. "Les questions littorales ont longtemps été considérées en partant de la terre vers la mer (...). La mer côtière est le réceptacle des déchets et pollutions générées par la terre ; mais c'est aussi traditionnellement une source de richesses : ressources vivantes de la mer (pêche, cultures marines), commerce international." Les échelles stratégiques pour traiter ces domaines "sont très évidemment supérieures à l'échelle locale (...) : c'est très souvent l'échelle de la façade maritime qui semble la plus appropriée pour traiter de sujets relevant de réglementations ou d'enjeux globaux ou communautaires".
Pour la gestion des projets de territoires, le rapport souligne la nécessité d'intégrer dans les documents tels que les schémas de cohérence territoriale (Scot), les schémas départementaux et de gestion des eaux (Sdage), ou les SMVM des thématiques qu'il estime centrales pour le devenir des territoires : rejets en mer ; préservation des milieux et des espèces, activités liées à la mer (pêche et cultures marines, navigation et ports, dragage et clapage des boues, extraction de matériaux, énergies marines renouvelables) ; planification de l'aménagement du littoral en veillant à limiter l'artificialisation, en prenant en compte systématiquement le milieu marin dans l'évaluation des impacts ; accompagnement des collectivités locales, notamment dans la mise en place et le suivi des directives baignade ou conchylicole ; amélioration des connaissances sur l'état des ressources vivantes et de leurs habitats ; renforcement de l'information et de la sensibilisation des professionnels et du grand public sur l'état des ressources halieutiques et des écosystèmes et des risques naturels.
Anne Lenormand
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